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Le futur de la maison Bollinger : environnement et enjeux à venir.

C’est le dernier article de notre série sur l’épisode 1 de notre podcast Raisin d’être : la rencontre avec Charles-Armand de Belenet, directeur général de la maison de Champagne Bollinger. Dans les articles précédents, on a pu présenter la maison et parler de la fabuleuse histoire d’amour entre Bollinger et James Bond. Dans cet article, je vous retranscris les paroles de Charles-Armand sur le futur de la maison, et les enjeux environnementaux.

Le podcast est à retrouver en vidéo sur Youtube, et en version audio sur Spotify et sur Apple Podcasts.

On revient maintenant à la partie temps long. T’en as beaucoup parlé, c'est une grosse valeur j'ai l'impression. Et puis c'est aussi quelque chose de naturel en Champagne. Il y a la projection, il y a les enjeux de demain, ça avance très vite. On en a beaucoup, notamment autour de l'environnement. Qu'est ce que fait aujourd'hui la maison Bollinger ?

Alors c'est un sujet qui est clé pour la famille, déjà puisque la famille est dans une logique de transmission. Donc leur objectif numéro un, c'est de transmettre la maison à la génération d'après dans une situation qui doit être meilleure que celle où ils l'ont reçue.

On parlait d'un plan à 2040 qui était assez surprenant. On doit raisonner sur du très long terme et c'est ça ce qui est extrêmement impliquant pour nous. Et quand on voit la façon dont les choses évoluent aujourd'hui, ça nous pose énormément de questions.

La première question qu'on a est évidemment le réchauffement climatique qui nous touche de plein fouet aujourd'hui. Pour donner juste quelques chiffres, sur les 30 dernières années en Champagne, on a gagné 1,5 degré. Conclusion : les vendanges, qui étaient principalement en octobre, sont maintenant fin août, ça va très très vite.

Alors que le début de la croissance de la vigne n’est pas forcément beaucoup plus tôt ?

Non, ça évolue pas forcément, et on voit qu'effectivement la période de maturité a tendance à se raccourcir. On était avant quasiment sur 100 jours, on est plus sur 80 jours maintenant. Donc en fait la vigne va beaucoup plus vite, ce qui entraîne plusieurs problématiques. Il y a la problématique effectivement des vendanges sur des périodes chaudes qui changent un peu l'organisation du travail. Mais c'est pas tellement ça ce qui est problématique. Ce qui est problématique, c'est plutôt l'évolution du goût.


Champagne Bollinger

Dans un premier temps, c'est de se dire “comment va évoluer le goût avec cette maturité qui peut être plus rapide ?” Il faut faire attention parce qu'on va pas atteindre automatiquement le même équilibre acide/sucre qu'on peut avoir. On voit les niveaux d'acidité qui peuvent avoir tendance à baisser et l'acidité, c'est quand même une colonne vertébrale qui permet de garder de la tension dans nos vins, qui est extrêmement importante. Donc ça, c'est la première problématique, c'est comment on préserve le goût malgré le réchauffement climatique.


Deuxième problématique, c'est qu'on voit qu'avec le réchauffement climatique, on a des variations de plus en plus fortes. On va avoir des périodes caniculaires et puis des périodes de grêle intense. On voit de la grêle, alors on a de la chance parce qu'en Champagne, on est moins touché que la Bourgogne. On le subit directement et ça veut dire qu'il faut complètement adapter notre viticulture. On travaille sur les cépages, on travaille sur différents types de viticulture, on expérimente énormément de choses pour aider la vigne à s'adapter et surtout pour conserver ce goût, le goût Bollinger. Donc ça, c'est l'enjeu qui nous occupe aujourd'hui, qui nous demande beaucoup, beaucoup d'attention.


Le troisième enjeu, qui est un enjeu social et qui est important pour nous : on est dans une petite ville qui est Ay. Donc on est la plus grosse entreprise d’Ay, ça fait très longtemps que nous sommes présents et notre rôle aussi. L’idée c'est d'avoir un développement économique et social de la ville qui soit sain et positif sur le temps long. Donc, on s'investit beaucoup dans la ville sur un certain nombre de projets. Ça c’est pour aider toutes nos parties prenantes. Aider la mairie, aider les associations, aider à avoir une vie importante.


Et puis la quatrième partie aussi, c'est, d'un point de vue économique, développer un modèle qui nous permette d'être autonomes en ressources et donc pour nous, des croissances rapides sont complètement impensables. Nous, notre objectif, c'est d'avoir une croissance qui puisse tenir dans le temps. Et donc on est souvent sur des croissances entre zéro et 1 % grand maximum pour garder cette durabilité de nos savoir faire, de nos vins, de nos approvisionnements. Donc, un sujet très important pour nous, lié à la dimension familiale en plus, qui est très importante.


Qui aide peut être ?

Qui aide beaucoup parce que la famille s'inscrit dans le temps long, donc est prête à faire des investissements sur le temps long. Là, en ce moment, on fait beaucoup de gros investissements où on va parler d'expérimentation par exemple. On expérimente beaucoup la permaculture en ce moment chez Champagne Bollinger, qui est l'idée de sortir d'un modèle de monoculture, qui est le modèle qui s'est un peu installé partout dans le monde et en France en particulier.


La monoculture, c'est dans chaque endroit on dit “ici vous mettez des vignes, ici vous mettez du blé, ici vous mettez des betteraves, ici vous mettez des forêts” et au final, on a un déséquilibre de notre environnement. Donc tout l'objectif aujourd'hui, c'est d'essayer de remettre plusieurs types de cultures au même endroit.


C'est comme l'arboforesterie, qui fait partie de ça. Planter des arbres, remettre de l'herbe dans les vignes, remettre des animaux, retrouver un équilibre. On plante beaucoup d'arbres fruitiers pour retrouver finalement un équilibre assez sain. On recréer un écosystème qui fonctionne naturellement entre guillemets.


Et alors j’ai vu que tu étais en train ou tu as commencé à vouloir être labellisé B Corp. C'est marrant parce que c'est quelque chose qu'on entend beaucoup dans le monde start-up, un peu moins dans le monde du vin. Qu'est ce qui a fait que tu as engagé cette démarche chez Bollinger ?

Alors pour nous, en fait, c'est une étape. C'est une étape sur une longue route. Historiquement, on a plutôt une culture ISO qui est la sécurité alimentaire, on a une logique de normes.


Charles-Armand de Belenet, directeur général de Bollinger

En fait, on aime bien chez Champagne Bollinger, être quantifiés, contrôlés, certifiés. C'est cette logique de se dire on avance par étape. Donc on est passé sur les normes ISO qui étaient très bien sur la sécurité alimentaire et l'environnement. Et après logiquement, on a regardé l'ISO 26 000 qui n’est pas certifiante, mais ce sont des recommandations sur un développement durable de l'entreprise. Et puis finalement, on a été aussi particulièrement intéressés par la certification B Corp. Qui est très anglo saxonne, qui a l’énorme mérite par rapport à l'ISO 26 000 d’être certifiant.


Et nous on est dans une logique de contrôle continu. C'est ça ce qu'on aime en fait, c'est un peu scolaire, mais ça nous permet d'évaluer en permanence. Et la recherche d'excellence vient par la quantification. On a un audit B Corp qui revient régulièrement et qui nous permet de travailler. Là on est en phase finale de certification et ce sera une étape qui nous permettra de rentrer dans cette logique d'amélioration continue.


Et du coup, cette certification B Corp elle fait pas mal le lien avec ce sujet qui nous est vraiment super cher chez Vinidaily, qui est la démocratisation et la sensibilisation auprès des jeunes générations. L'environnement est un sujet qui concerne énormément les jeunes générations, mais le vin aussi. Qu'est ce que toi tu fais ? Qu'est ce que la maison Bollinger fait dans ce sens aujourd'hui pour aller vers ces jeunes générations ? Démocratiser, rendre accessible le vin au plus grand nombre ?

Alors c'est une bonne question, la chose qui est très surprenante quand je suis arrivé chez Bollinger, c'est que je pensais que finalement, l'amateur de Bollinger était plutôt quelqu'un qui avait entre 50 et 70 ans, avec un gros pouvoir d'achat et qui profitait de la vie. Et à ma grande surprise, c'est en visitant beaucoup de salons professionnels où on organisait des dégustations qu’on a vu que finalement, la population était extrêmement jeune. Et ça a été pour moi une grande surprise.

Non seulement on a vu beaucoup de jeunes venir déguster, posant énormément de questions, et là on voit un niveau d'intérêt qui est assez exceptionnel. Il y a une recherche de compréhension, de discernement. C'est extrêmement excitant, on sent qu'il y a une volonté de comprendre les choses.

Avant, probablement l'univers du vin était un univers qui était très fermé, avec des codes très compliqués et plutôt une communication descendante. Et aujourd'hui, on voit qu'il y a une appétence folle de comprendre ce qui se passe derrière les vins. Une demande d'interaction. Ce qu'on veut, c'est poser des questions, comprendre, interroger, avoir un contact direct. C'est ça ce qui est un moteur. Et donc nous, ça nous oblige complètement à changer notre façon de faire. Avant, on avait un côté un peu fermé. Donc maintenant, on a complètement changé les choses.

C’est notre projet en interne, on a ouvert les grilles. On a créé notre propre application pour donner de l'information en temps réel sur Bollinger, ce qu’il s'y passe, pour rencontrer les équipes. On est en train d'ouvrir le site petit à petit, pour accueillir justement toutes ces personnes qui veulent venir découvrir et venir comprendre. Et puis on a accéléré à fond sur le digital aussi, sur les réseaux sociaux pour avoir une porte ouverte et pouvoir répondre en direct à toutes les questions qui peuvent se poser.


Podcast Raisin d'être

Et donc, derrière cet esprit de dire les jeunes s'intéressent moins. Non, en fait, les jeunes s'intéressent pas moins, pas du tout. Ils s'intéressent autant, voire beaucoup plus que les générations d'avant. Mais par contre, ils ont besoin d'interactions et de comprendre, d'échanger avec les domaines, etc.


En fait, il y a un intérêt énorme. Ils veulent comprendre, il faut les aider, il faut leur donner les outils. Et c'est pour ça que tout ce que vous faites répond exactement à ça, c'est les aider à rentrer dans l'univers du vin parce qu'il y a un intérêt extrêmement fort.

On dit souvent que la France consomme moins. Oui, elle consomme moins, mais en fait, la réalité, c'est qu'on consomme moins, mais mieux, dans le sens où on veut mieux comprendre. On veut découvrir, on veut avoir accès finalement à cet univers qui était encore très fermé. Et donc, dès qu'on entrouvre la porte on voit qu'il y a plein de gens qui s'intéressent, qui veulent venir.


Donc il y a pour moi une opportunité exceptionnelle d'ouvrir un peu plus les grilles de toutes les maisons.


On a parlé du passé de la maison Bollinger, du présent. On a parlé du futur aussi, mais on n’a pas forcément beaucoup parlé des projets de la maison Bollinger. C'est quoi les projets de la maison Bollinger aujourd'hui ?

Alors on a un certain nombre de projets qui sont en cours en ce moment, qui visent à nous préparer pour le bicentenaire. On va fêter notre bicentenaire en 2029. Donc les 200 ans de la maison. Alors tu vas me dire commencer à préparer son bicentenaire sept ans avant... Tout est en temps long, finalement 7 ans, c'est le temps pour vieillir un millésime, donc c'est ce qu'il faut.


Pour préparer notre bicentenaire, on a lancé trois grands projets. Le premier projet, c'est une rénovation totale de notre cellier, on a aujourd'hui à peu près 4000 petits tonneaux bourguignons qui ont 20 ans de moyenne où on fait notre vinification. C'est un peu le cœur du réacteur de champagne Bollinger et notre volonté, c'est de faire toujours plus de vinifications sous bois, qui est pour nous la meilleure façon de préparer les vins.


Et donc notre objectif, c'est d'étendre notre parc et de passer de 4000 à 5000 tonneaux, ce qui est énorme et ce qui permet d'avoir finalement une palette aromatique encore plus large pour notre chef de cave pour assembler les vins. Donc pour ça, on va étendre ce cellier, ce sont des gros travaux puisque ça se fait dans le centre ville.


Le deuxième gros chantier, c'est la rénovation totale du site. Le site est très ancré dans la ville, on a beaucoup de maisons vigneronnes où tous nos collaborateurs habitaient dans le passé. Maintenant, ces maisons sont là, il faut les rénover.


Et puis on a un troisième projet qui est extrêmement ambitieux, qui est le fait de créer une maison Bollinger, créer un endroit où on peut recevoir nos grands amateurs. L'idée, c'est d'avoir à peu près une vingtaine de chambres où on peut les accueillir pour des expériences œnologiques. Donc ils peuvent venir pour un week end autour de la grande année, un week end sur des accords mets et vins et ils peuvent rester dormir, et donc on aura un restaurant et des chambres disponibles pour eux.


Et pour nous, il n'y a pas mieux que de passer week end chez Champagne Bollinger avec nos équipes en direct. Aller présenter comment on fait les vieilles vignes françaises, présenter notre tonnelier. On est la dernière maison de champagne à avoir un tonnelier.


C'est à dire que la frustration quand on a des invités qui viennent, c’est qu’ils viennent pendant 2 h et ils nous disent tous “nous, on rêve de rester plus longtemps”. Donc là, on va leur proposer ça.


Donc ça, ce sont les grands chantiers du Bicentenaire, ça va prendre à peu près quatre ans. Et puis, en parallèle, quand on parle de développement durable, on a aussi fixé des objectifs extrêmement ambitieux. Oui, d'être certifiés B Corp mais c'est une étape derrière les projets qu'on met en place. Donc on a fixé huit engagements pour 2029 pour notre bicentenaire, des engagements sur par exemple notre empreinte carbone. Notre objectif, c'est de diminuer de 40 % notre empreinte carbone, ce qui est un très, très gros enjeu pour nous, surtout avec notre bouteille qui est assez lourde pour tenir la pression.


Donc on travaille beaucoup en ce moment sur la bouteille avec cet objectif de réduction de l'empreinte carbone, des objectifs sur les surfaces dédiées à la biodiversité au sein de nos vignobles. On est à 15 %, l’objectif est de passer à 30 %, c'est à dire 30 % de surface qui est dédiée à la biodiversité.


Application vin Vinidaily

On veut créer une école des savoir faire qui est une école qui vise à transmettre aux générations d'après les savoir faire spécifiques, comme remuer comme le fait d'égorger à la main, qui sont ancestraux mais qui sont un peu en perte. Notre objectif, c'est d'avoir une école pour les fidéliser ou par exemple, la création d'une fondation qu'est la Fondation Bollinger, qui sera là aussi pour financer des projets autour de la ville d’Ay, pour dynamiser la ville.


Donc beaucoup d'engagement, il faut préparer l'avenir si on veut être là encore dans 200 ans, il faut faire tous ces investissements maintenant et il faut préparer la maison aux 200 prochaines années.


Et puis sur les vins aussi dernier point, il reste beaucoup de projets sur les vins, c'est à dire qu'on a lancé toute une nouvelle gamme qui est 100 % pinot noir. Et là maintenant, on est dans une logique où on est en train de dévoiler des parcelles, on a des vins parcellaires maintenant toujours à fond sur le pinot noir, avec donc une gamme qui s'appelle Pinot Noir, qui explore les différents villages : le pinot noir d’Ay, le pinot noir de Verzenay... Et puis maintenant on rentre dans la notion de parcelle. Et là, on vient de lancer notre premier champagne parcellaire, qui s'appelle la Côte aux enfants Champagne.


Et puis il y a plein d'autres parcellaires qui vont arriver derrière. Tout l'objectif, c'est aussi d'aider toutes ces nouvelles générations à comprendre les spécificités du terroir champenois. Parce que finalement, la Champagne, ce n'est pas juste une boisson de célébration, c'est aussi un vin de terroir. Et nous, on veut révéler toute la diversité du terroir champenois.


Écoute, je te remercie pour ce moment, j'allais te dire on sait quoi te souhaiter pour cette année 2023, mais peut être pour les 40 années à venir. Pour toi et pour la maison Bollinger. En tout cas c’était un plaisir de te recevoir aujourd’hui.

Un grand merci et puis longue vie à ce podcast ! Et puis bravo pour tout ce que vous faites pour démocratiser le vin pour faire découvrir cet univers qui est exceptionnel. Et c’est vrai que dès qu’on met un pied dedans on a plus envie d’en ressortir. Merci et à bientôt !


On espère que cette série d’article vous aura plu, et si vous souhaitez écouter le podcast, c’est par ici.

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